Una furtiva lagrima - roman

Couverture

Extraits

 Pages 12, 13, 14.

Quand il entre en piste on ne voit que lui et moi comme les autres bien sûr. Il est habillé tout en blanc, chemise et pantalon. Même les chaussures sont blanches. Des mocassins tressés dessus. C'est ce que je regarde quand il s'approche pour danser en face de moi parce que je garde la tête baissée. Je ne veux pas qu'il pense que je le trouve beau. Ça se voit peut-être dans le regard des filles. Pour les garçons c'est plus banal. Ils passent leur temps à nous décortiquer. J'ai l'impression que c'est ce qu'il fait le type tout en blanc qui est entré sur la piste comme si c'était une vedette. Du coup, je lui tourne le dos, mais ça ne doit pas arranger les choses parce que ça doit l'exciter un peu plus. Il finit par me contourner et par danser à nouveau devant moi. Je lève les yeux comme si je le découvrais pour la première fois. Il sourit. Il a un sourire éclatant. Je ne réponds pas. Je fais comme si j'étais complètement absorbée par la danse, comme s'il n'y avait personne autour de moi alors qu'en réalité ça chavire doucement dans ma tête. Je sens que je perds pied et quand on danse ça fait tout drôle. On se laisserait tomber volontiers dans les bras du premier venu, juste pour ne pas s'effondrer sur la piste de danse.

Finalement je me décide à le regarder. Il ne me quitte pas des yeux. Il cherche les miens. Moi, je le scanne. Il n'est pas de la même génération. Je lui donne trente-cinq ans, peut-être un peu plus. Il a les cheveux noirs, légèrement frisés, un visage presque juvénile, et des yeux bleus. Il porte une lourde chaine autour du cou et une gourmette au poignet droit. L'or capte les lumières de la boule à facettes et renvoie des éclats magiques. La chemise est légèrement entrouverte sur un pelage naissant. J'imagine que tout le torse en est recouvert et ce détail me donne envie sans que je comprenne pourquoi.

On danse une dizaine de minutes. Finalement nous ne nous quittons plus des yeux. C'est lui qui s'arrête le premier et qui me demande si je n'ai pas soif. Il a un léger accent. Je réponds que oui, que j'aimerais bien boire un peu. Il veut m'inviter à sa table. Je lui explique que je suis avec ma sœur et que je ne veux pas la laisser. Je lui propose de venir avec nous. Il dit que ça tombe bien parce que lui il est seul.

On rejoint Marie-Jo et il se présente. J'entends son nom pour la première fois. Sergio. Après, dans la conversation, on apprend qu'il est italien et qu'il est venu passer quelques jours en Corse. Il dit que ça ressemble beaucoup à l'Italie et que c'est comme s'il était chez lui. Il nous demande d'où on est. C'est Marie-Jo qui répond. De tout près, dit-elle. Juste à un quart d'heure à pieds d'ici. On habite Lupinu. On y a toujours vécu. Notre famille est installée là depuis longtemps. Bien, bien, dit Sergio. Et vous faites quoi dans la vie ? Toutes les deux on dit qu'on est étudiante. C'est un peu vrai pour Marie-Jo qui vient de terminer une formation de secrétariat médical et qui va commencer à travailler en octobre. Pour moi, ce n'est pas vrai du tout, mais je n'ose pas dire que j'ai abandonné les études en première depuis trois mois. Étudiante ça fait toujours bien. C'est comme si on disait qu'on était libre dans le présent et qu'on aurait un avenir. C'est la seule fois où j'ai pu encore le dire. Après c'était moins intéressant.

On reste jusqu'à trois heures du matin. Sergio invite plusieurs fois Marie-Jo à danser avec nous, mais c'est moi qu'il regarde tout le temps. C'est comme s'il me pénétrait déjà et j'avais envie de m'ouvrir.

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